Chaque année, c’est la même chose : le mois de janvier est le mois de la prolifération des contenus à propos des nouvelles tendances à suivre sur l’année qui vient. De la couleur Pantone aux tendances entrepreneuriales et marketing, l’ensemble se multiplie comme des petits pains et tout le monde y va de ses analyses. Aimées ou détestées, suivies ou non, de bon ou de mauvais goût, les tendances rythmes effectivement nos quotidiens et nos façons de vivre.
Difficile donc, de passer à côté.
Mais à l’heure où tout le monde s’interroge sur les tendances graphiques à venir pour 2023, et plutôt que de rédiger un énième article sur le Viva Magenta (la couleur de l’année selon Pantone), j’aimerais interroger ce que sont les tendances. Parce que parler des tendances, c’est bien, mais avant de chercher à les suivre et à s’en imprégner, il serait bon de faire preuve d’esprit critique et de se poser quelques questions sur le sujet.
Une tendance est un phénomène éphémère qui s’observe chez un groupe : cela peut être comportementale, esthétique, politique… C’est une orientation, un comportement qui est adopté au sein d’un groupe parce que perçu par ce groupe comme étant approprié. Une tendance dépend toujours de deux choses : son cadre spatio-temporel et son cadre social. Chaque saison, plusieurs tendances se distinguent et vont permettre de définir les modes du moment.
Mais si elles animent de feu vif la mode et les marques, les tendances révèlent en réalité des mouvements sociétaux forts. Elles contribuent à façonner nos imaginaires et à nous mener vers des modes variables de pensés, c’est pourquoi on distingue différentes formes de tendances : commerciales ou non (une tendance pour un style de déco est commerciale tandis qu’une tendance sur une façon de vivre est non-commerciale), courtes ou longues…
Dès lors, parler des tendances, c’est parler de l’humain et de sa façon de se positionner en société, voire, de faire société.
Les tendances servent tout d’abord à anticiper des mouvements esthétiques, sociologiques, sociétaux… Afin d’orienter les collections de modes et de design. Elles assurent les bonnes ventes futures, et sont le carburant de l’industrie de la mode. Mais bien entendu, elles ne touchent pas que le seul secteur de la mode : elles se diffusent au sein de groupes sociaux et influencent nos façons de consommer et de nous comporter.
Ainsi assurent-elles d’un côté la bonne consommation des produits et de l’autre engagent une évolution permanente de nos modes de vie et de façon générale, ces deux choses sont liées.
Par exemple, actuellement certains comportements tendent à vouloir se rapprocher de la nature et du vivant, à vivre de façon plus responsable et en termes de mode on se rend compte de l’ascension du style randonneur et polaire Patagonia chez les bobos.
Ce sont les bureaux de style (ou bureaux de tendances) qui se penchent plusieurs saisons en amont sur le façonnage des tendances. Ce que nous percevons aujourd’hui, a donc été décidé, étudié, déterminé hier.
Ces bureaux concentrent diverses disciplines : designers, sociologues, analystes, économistes travaillent ici main dans la main à étudier les mouvements d’aujourd’hui pour créer ceux de demain. En somme, ils analysent nos comportements actuels pour définir nos comportements futurs. C’est un travail qui s’appuie principalement sur une intuition forte et une certaine interprétation de faits.
C’est à ces bureaux que l’on doit les couleurs à venir pour les vêtements par exemple, mais aussi nos façons de manger ou encore de travailler bien que les tendances non-commerciales soient plus indirectes.
En termes de temporalité, les bureaux de tendances distinguent deux types de tendances : à court terme et à long terme. Les premières découlent directement d’une hype passagère, une explosion fugace autour d’un style (ce fut le cas pour les baskets Lidl, et on se demande encore pourquoi). Les secondes découlent quant à elles de tendances démographiques, sociales, scientifiques, économiques, technologiques (ce n’est par exemple pas pour rien que suite à l’année 2020, on a pu voir se déployer une mode autour de vêtements plus confortables, en jersey ou dans des matières douces : qui veut télétravailler en tailleur ?). Cependant, bien qu’il y ait des tendances plus longues, il faut tout de même garder en tête le caractère éphémère des tendances : une tendance suit toujours une courbe ascendante puis descendante. Pas encore tout à fait tendance lorsqu’elle monte, déjà dépassée lorsqu’elle décline, son zénith lui, se fait toujours relativement court.
Elles répondent à deux besoins : le besoin d’appartenance et le besoin de distinction. Oui. Les deux en même temps, cela peut paraître étrange, mais c’est en fait très logique : je souhaite appartenir à tel groupe, car je souhaite me démarquer du groupe opposé. L’appartenance à un mouvement se fait toujours en friction à un autre mouvement.
On suit donc les tendances que l’on cautionne d’un côté pour montrer que l’on ne cautionne pas ou tout au moins que l’on adhère moins au comportement d’en face. Ce qui en fait un bon outil pour le développement de ta marque ou de ton entreprise, car tu l’auras donc compris, c’est un bon signifiant pour dire à ton public où tu te situes et à quoi tu tends.
Tu es en train de construire une marque ou une entreprise, et tu es en train de travailler sur les éléments de ta communication ainsi que ton identité visuelle. Bien sûr, tu es bien tenté de t’inspirer de la dernière tendance à la mode, parce qu’elle te plaît, parce que tu veux être dans le coup… C’est tout à fait légitime, mais sache que ce n’est pas forcément une bonne idée.
S’il n’est rien qui échappe aux tendances, des objets à la philosophie de vie, nous sommes continuellement dans le changement, dans la consommation et l’obsolescence. De là, naît un premier problème : si je suis les tendances, c’est d’une part pour m’adapter à mon temps, et d’autre part pour ne pas en être exclue. Il peut ainsi naître une certaine forme de pression à devoir toujours suivre les tendances pour ne pas être laissé sur le carreau.
Parce qu’elles véhiculent souvent des stéréotypes (par ex : être écolos, c’est acheter du seconde main, or, si tu surconsommes du seconde main le problème n’est pas résolu ; ou encore être féminine / masculin, c’est ça, etc.)
Parce que si tu te laisses happer par les tendances, tu ne montres pas tes valeurs ni ton message et peux te fondre dans la masse.
De par leur caractère éphémère, les tendances sont de base irresponsables : parce qu’elles changent tous les 3 à 6 mois, elles sont vectrices de surconsommation. Elles poussent donc à la consommation effrénée et au “toujours plus”, et n’invitent pas à une consommation raisonnée et encore moins responsable. Il ne serait donc pas stratégique de ta part de prôner une certaine forme d’éthique tournée vers l’écologie et le vivant, tout en changeant sans cesse au rythme des saisons pour le dernier truc in. De plus, dans le cas d’une identité visuelle, il te faut à la fois quelque chose de durable et de remarquable, or à changer tes supports de com’ tous les 6 mois, tu risques de perdre ton public et de manquer de cohérence…
Enfin, parler de tendance “écoresponsable” constitue déjà un problème en soi puisque c’est la porte ouverte au greenwashing. De même parler de tendance à “l’inclusivité”, “au body positive”, à la mise en avant de “l’humain”, pose énormément de questions dont la première est tout de même de se demander si hors de ces tendances, nous respecterions l’humain, le vivant, l’environnement…
Bref… Il y a un grand nombre de raison pour lesquelles suivre les tendances n’est pas à priori bon pour ton entreprise.
Car oui, c’est tout de même utile.
Déjà parce qu’en lisant les rapports d’analyse des bureaux de tendances, on peut sentir vers quoi tend la société et que c’est hyper intéressant d’un point de vue sociologique ! C’est ainsi que l’on voit tout de même que les gens veulent tendre à un monde plus juste. Ensuite, elles te permettront de t’assurer que ton identité visuelle est au goût du jour et qu’elle pourra donc parler à ton public, c’est tout de même important. Ce sont également des outils de créativité non-négligeable qui vont te permettre d’explorer et de sortir de ta zone de confort.
Pour finir, il me semble qu’une attitude responsable vis-à-vis des tendances serait de ne prendre que ce qu’il y a à prendre pour être dans l’air du temps (il est compliqué de toucher son public en étant complètement d’un autre siècle, même le vintage n’est pas vieillot et se met sans cesse au goût du jour) tout en s’en détachant suffisamment pour communiquer sur ses valeurs et mettre en avant l’identité de ton entreprise.
En définitive, je dirais que les tendances sont des outils créatifs puissants dès lors qu’ils sont utilisés consciemment et avec un certain recul. S’engouffrer dans une mode passagère n’est pas sain et ne mène à rien dans ton business si tu ne poses pas des réflexions sur le sujet.
L’essentiel est à mon avis de se poser les bonnes questions : quelle est la durée de la création ou du support de com’ (une identité visuelle doit pouvoir durer plusieurs années tandis qu’une affiche pour un événement ne dure que quelques mois) ? Comment communiquent tes concurrents, suivent-ils des tendances ou au contraire s’en détachent-ils ? Qu’est-ce qui pourrait parler à ton public cible ? Cette tendance va-t-elle vraiment servir ton projet ? Est-ce qu’elle correspond à l’univers que tu souhaites déployer, au message que tu veux faire passer ? …
J’espère que cet article t’a intéressé et que tu pourras appliquer tout cela dans ton entreprise. En-tout-cas, j’ai pris du plaisir à l’écrire et à te partager tout ça. Si tu as des questions, n’hésite pas à me contacter via mon compte Instagram, c’est avec joie que je te répondrais.
À bientôt !
Anne-Claire
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